Sauvons l’Ecole Malienne !!
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Bizarrement ça fait quelques temps, que je m’en veux, je m’en veux tellement que je dors peu, je pars à l’école le matin le cœur en lambeau, je me sens si impuissant face à la situation actuelle de ces nombreux enfants qui ne vont pas à l’école, j’aimerai tellement leur dire que cela va finir , que les adultes seront bientôt adultes et trouveront une solution, j’ai tant espéré et il n’y a point de jours où je ne prie l’Éternel pour que finisse ce cauchemar aussi agaçant et dérangeant que la voix de Stentor.
Ce soir, j’ai décidé d’écrire, il le fallait, impuissant je suis, mais ma plume m’appartient et je me permets à travers elle de vous partager une Histoire. C’est celui d’un procès qui pourrait vous paraître bizarre mais quelque part si on y est, c’est parce qu’on a été passif, tous passifs devant un véritable problème, un problème qui sans nul doute nous submergera dans des pires regrets. Nous partons au travail le matin, nos enfants vont à l’école le soir, on fait du sport, la nuit, nous sommes dans les boîtes de nuit, nous sommes à nos interminables cérémonies, à nos fêtes et mariages qui ne finissent point. La vie passe et on sourit en oubliant ces enfants qui quelque part dans ce même pays n’ont pas droit à l’éducation. Chaque matin, ils prennent leurs sacs dans l’espérance de trouver une école, un lieu où apprendre les fondements, les valeurs même de la vie. Hélas, je les rencontre tous les jours et dans leurs yeux, je me vois et j’ai honte de moi, honte de partir à l’école, honte de rire, honte de me pavaner partout comme ci c’était normal, on sacrifie leur vie, leurs avenirs et comme si de rien n’était, la vie suit son cours. Camus n’a t-il pas dit que la bêtise insiste toujours. Nous sacrifions nos enfants… Après qu’allons nous leur dire? Que nous avons oublié que nous étions censés être les grands, les adultes, ceux qui comprennent, ceux qui se battent pour eux. Après ce sera trop tard hélas très tard mais néanmoins revenons à notre Histoire. Un grain de folie ne peut faire que du bien dans un monde de fou
Nous sommes en 2030, Djamatigui est président de la belle République. Il a su montrer la philosophie et la valeur de son slogan « DjamanaBedjo ». Les gens ont compris les bases, les fondements qu’ incarnaient sa vision pour un Mali meilleur. DjamanaBeDjo pour dire que demain tout est possible, qu’échouer n’est point ou du moins n’est plus envisageable, que le Mali a tant souffert, qu’il est tant de ne point vendre de l’espoir mais d’incarner cet espoir. N’a t-il pas lu des grands livres, n’a t-il pas appris et compris qu’une grande Nation se fonde sur des principes, des valeurs mais aussi sur des stratégies. Dans l’art de la guerre, Sun Tzu n’a t-il pas dit « Une armée victorieuse l’est avant même de livrer bataille. Une armée vaincue
se lance d’abord dans la bataille et ensuite recherche la victoire. » Eh bien, il sait qu’il est en guerre et que cette guerre se prépare car il s’agit de rehausser le Mali et d’en faire mieux que ce qu’il n’a jamais été. N’a t-il pas promis lors de ces campagnes que tout ira pour le mieux .
Qu’un Mali nouveau verra le jour axé sur la bonne gouvernance, la justice et la chance pour tous . En parlant de justice, dans ce même pays, il est aussi juge, sacré Djamanatigui,😂 mais que faire, quand les autres n’allaient pas à l’école, il y était lui et c’est d’autant bien qu’il est Président-Ministre-Député-Juge. Il peut se le permettre, il a été à l’école lui. Et voilà qu’aujourd’hui il enfile sa robe, il a un procès.
La salle ,Veuillez vous lever, pour accueillir Mr le juge !!
Les gens se lèvent, notre Djamatigui s’assoit fièrement et il demande de faire entrer les accusés, bizarrement, les gens étaient vraiment nombreux à venir assister à ce procès. Ils le sont parce qu’ils pensent que réellement, il y aura un changement, que la justice tranchera. Et dans ce Djamana, parce qu’on a pas la chance d’avoir beaucoup de juges, on est obligé de faire trois procès en un, trois accusés en tout. Bizarre mais que faire, c’est chez nous . Voilà nos trois accusés qui entrent, enchaînés de partout suivis par deux gardiens. Nous avons Moussa âgé de 19 ans à peine, costaud, fort a le regard fuyard.
Fatou âgée de 21ans , très belle jeune fille aux yeux innocents, elle est si salle, et on se pose la question : qu’est ce qu’elle a bien pu faire pour être ici?
Et enfin, Hamidou, le bandit classique, le gars qui fait peur, trembler les terribles citoyens.
Et voilà que Djamatigui qui dit à Moussa levez vous?
Djamanatigui : Où est votre avocat ?
Moussa : J’en ai pas, j’ai cherché en vain mais nul moyen de m’en procurer car je n’ai pas de moyens, et celui qui m’a été commis d’office m’a laissé pour ne pas entacher sa réputation avec une si salle affaire.
Djamanatigui : Moussa, vous êtes accusé d’être entré dans une famille paisible, d’avoir braqué cette famille, pris tout ce qui est argent, cela ne vous a pas suffi , vous avez aussi violé et par conséquent tué la petite Minatou âgée de 14ans seulement. Voici les faits qui vous sont reprochés, qu’avez vous à dire pour votre défense ?
Moussa ,les larmes aux yeux, ils pleurent, il a honte, toute l’assistance l’insulte, quel crime abominable. Et Moussa prend son courage à deux mains, il faisait pitié à voir mais ce qui est étonnant, il avait dit quelque chose d’imposant, toute l’assistance même Djamatigui était bouche bée devant ce qu’il vient de dire, c’est sa réponse, elle a été si éloquente, si simple, si haute qu’elle a imposé le silence dans toute l’assistance qui se mit à méditer. Et là voilà sa réponse : ils m’ont refusé l’école, aujourd’hui, je suis ici mais c’est vous tous qui aviez tué cette petite fille, c’est vous et seulement vous .
Celà ressonne dans la salle, on dit que son cas est compliqué, mettons le alors à côté.
Et à Djamatigui de demander maintenant
à Fatou. Il vous ait reproché d’avoir assassiné à vous seule six hommes, d’avoir enlevé deux enfants et blessée une femme. Qu’avez vous à dire pour votre défense vu que vous n’avez non plus pas d’avocat ? Le public était dépassé, telle prouesse de la part d’une femme est digne d’un conte de fées et pourtant c’est vrai et Fatou est devant eux, n’est-ce pas la preuve . Et là, toute sa beauté couverte par sa saleté ne faisait que dégoûter l’assistance. Que va t-elle dire pour sa défense, décidément, ce procès est plus que bizarre. Djamanatigui calme la salle. Il se perd lui même !
Voilà Fatou qui répond: Ces Hommes, soit , je les tuais, soit je mourrai, c’était eux ou moi, il n’y a pas de soir où je subis les pires affronts, à l’heure où les gens dorment, à cette heure, je me réveille, les rues de Bamako me connaisse si bien la nuit, je ne vous raconterai pas mon histoire. Et ces enfants, sachez que ce sont mes enfants, je ne les ai point enlevé, j’ai récupéré ce qui était mien…Et pour l’autre Femme, je ne dirai rien à part elle l’a mérité mais Sachez que si je suis là aujourd’hui c’est parceque vous m’avez refusé l’école, personne n’a parlé quand il le fallait, tout le monde a assisté sans rien dire et je me rappelle, j’étais si petite et ma vie a basculé. Elle pleure, l’assistance pleure, les larmes viennent de partout. Djamanatigui si sensible voudrait pleurer aussi mais il ne peut le faire,pas ce soir,il est juge dans cette cour,il se doit d’être serein.
Et Fatou dit : Votre silence m’a coûté bien plus que vous ne l’imaginez.
Vous avez mis fin à mon existence parceque vous m’avez tous tué sans exception car vous, oui! vous m’avez refusé l’école.
Ce cas est encore plus grave, notre Djamatigui se perd mais il ne faut pas qu’il perde la face, lui, homme aux multiples fonctions, n’a t-il pas été dans les grandes écoles d’ici et d’ailleurs. Il faut qu’il sauve la situation. Alors il se presse de s’adresser à Hamidou.
Djamanatigui : Hamidou, tu as pris les armes contre ton pays, tu es un extrémiste, un terroriste. Tu ne cesses de faire des cadavres, de faire de femmes des veuves, des enfants, des orphelins et de ton pays ,un désert. Qu’as tu à dire pour ta défense ?
Ah là, c’est aussi grave, la situation est encore pire , que va t’il dire pour sa défense? N’est il pas un traître, un ennemi de la République. Et voilà Hamidou qui d’un ton solennel s’adresse à Djamatigui.
Hamidou : Il n’ya pas plus patriote que moi, ce pays , je l’ai dans le sang, je le respire, je l’aime, je le connais et le défend mieux que personne…Moi traître, jamais. On m’a demandé de défendre une cause, qui étais je pour dire non alors que j’avais faim, que vous m’aviez fermé l’école, que vous nous aviez laissé, oublié comme si on n’était point de ce pays…Et pourtant.. si seulement vous m’aviez permis d’être à l’école, ce jour n’arriverait jamais. Djamanatigui est encore plus déboussolé, quoi de plus normal, voilà trois personnes qui viennent de trois lieux différents avec des histoires différentes sans s’être jamais vu et pourtant partageant tous la même douleur, là même souffrance, bien que criminels, et que rien ne pouvait légitimer leurs actions. Ils avaient ce regard qui disait à cette assistance qui avait si honte d’être là, vous êtes coupables, plus que nous. Nous avons été les victimes d’hier et aujourd’hui nous le sommes encore à cause de vous . Il y’a si peu, vous auriez pu change la face des choses, la face du monde, donner un autre cours à l’histoire, vous auriez pu si vous avez voulu … Vous n’avez pas pense à ces nombreux Moussa ,Fatou et Hamidou que vous avez condamné parce que vous avez refusé de mettre un visage sur ces noms, comme si c’était un fait divers.. eh ben non et voilà que vous en récoltez les pots cassés. Si seulement vous avez voulu, si seulement vous saviez. Et ce jour , seule ces phrases résonnaient : Vous m’avez refusé l’école, vous m’avez refusé l’école.
J’ai suffisamment suivi les conseils de Fontaine pour comprendre que la morale d’une histoire peut être perçue de mille manières mais toujours est il que pour moi , il est essentiel que la morale que l’on se doit de tirer de cette histoire inventée de toute pièce est que sans le savoir, nous sommes les Bourreaux de ses enfants aujourd’hui, nous nous taisons, nous ne disons rien et notre silence les tue. Et ces victimes d’aujourd’hui seront les bourreaux de demain. Et ces bourreaux, c’est nous qui les faisons à travers ces frustrations que nous créons. Nous refusons à ces enfants leur droit le plus élémentaire : L’éducation.
À quand la fin de ce carnage, à quand l’espoir pour nos enfants, quand est-ce nous allons réagir ?
Sommes nous criminels à ce point ? Le Mali est si grand et nous sommes entrain de commettre un génocide éducationnel .
Réagissons car il est temps pour ne pas qu’un jour, nous assistions impuissants à ce procès où Hamidou vient d’exploser toute la salle. Et voilà qu’avec rien d’autre que des cendres et de la poussière , finit notre procès si bizarre.
Et dire que je m’inquiète pour Djamatigui, qu’est t’il devenu ce comédien ?
Yehiya Boré