Bamako, un enfer pour les étudiants fils de paysan.
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Le système éducatif malien est au plus bas de son niveau en général, en particulier pire dans les communautés rurales. Selon Jim Urs, acteur et chanteur Britannique disait ’’un homme sans éducation est un ordinateur sans système d’exploitation’’. Malgré des campus universitaires, aux yeux de tout le monde, des milliers d’étudiants abandonnent les études à cause de la vie précaire de Bamako, en particulier ceux ou celles qui viennent de la brousse. Malgré tout, l’État ne parvient pas à trouver une solution idoine pour ces victimes de Bamako.
Que faut-il faire pour palier à phénomène ?
Selon l’article 18 de la constitution de la république du Mali, ”l’enseignement public est obligatoire, gratuit et laïc, l’enseignement privé est reconnu et s’exerce dans les conditions définis par la loi”.
Le milieu universitaire malien nous dit tout le contraire. Des étudiants se réveillent à 4h du matin, marchent des kilomètres pour arriver à l’heure à l’université. Certains passent la journée sans manger, et d’autres sont obligés de travailler, souvent pendant les heures de cours, pour gagner leur transport et payer le loyer. A qui la faute ? L’état a-t-il faillit à ses responsabilités ? Écoutons les témoignages de ceux qui ont vécu et ceux qui vivent actuellement ces calvaires.
« …Apres l’obtention de mon BAC en 2012, je me suis inscrit à la Faculté des lettres, sciences et du langage – FLSL. Je prenais deux fois le Sotrama (bus) et marchais plus de deux kilomètres pour me rendre à la faculté. Nous partions trois fois par semaine, de 08h à 21h. Souvent, j’étais obligé de quitter les cours plutôt pour ne pas manquer les derniers Sotrama, au risque de ne pas marcher 20km pour rentrer à la maison. Par faute d’argent, je passais des journées sans manger. Comme dit un proverbe : « ventre creux n’a point d’oreille ». Je faisais des efforts pour suivre les cours malgré la faim. Les allocations tardaient à venir. Cela me confrontait à d’autres défis tant scolaire et familier. Je n’avais pas les moyens pour faire les centaines de photocopies des cours. N’ayant pas eu la chance d’avoir le campus scolaire, je vivais chez un frère qui avait du mal à s’occuper de sa famille et nous. Pendant la vacance, au lieu de rester à Bamako pour faire des travaux enfin de subvenir à mes besoins, les parents comptaient sur moi pour venir les aider dans les travaux champêtres. D’ailleurs, c’est pourquoi j’ai redoublé la 1ère année à l’université. C’était trop dure, je te jure… » explique T.T (étudiant) en larmes ex victime de l’enfer de Bamako.
Avec le courage et la persévérance T.T a continué ses études et il se débrouille dans une entreprise aujourd’hui.
« …J’ai perdu mes deux parents quand je ne connaissais rien, ma mère quand j’avais 3 ans et mon père quand j’étais en primaire. J’ai été élevé par ma tante, après ma 6ème année, j’étais obligé de marcher 6 kilomètres (aller-retour) chaque jour pour aller à l’école puisqu’il n’y avait pas de second cycle dans mon village. Après mon DEF, j’ai été orienté dans une commune où il y’avait aucun membre de ma famille, ma Tante avait du mal à m’acheter les kits scolaires. L’homme qui a fiancé ma tante après la mort de mon père est parti avec elle en Côte d’Ivoire, j’ai ensuite été confié à un tonton. Mon logeur n’avait pas assez de moyen pour nourrir la famille. Malgré les difficultés, je me suis débrouillé jusqu’à obtenir le BAC en 2020. Très content, croyant que c’était la fin des souffrances. Actuellement, je loge chez un tonton dans un quartier périphérique de Bamako, qui n’a pas assez de moyen, c’est un maître coranique qui consacre plus de la moitié de son temps à apprendre ses disciples à lire et à écrire le coran. Dans la maison, aucun membre de la famille n’a atteint un niveau supérieur à l’école, du coup je suis livré à moi-même. Grâce à l’information de mes collègues, je me suis inscrit à la FSEG sur la colline de Badalabougou.
Je prends le sotrama (bus) deux fois avant de monter la colline. La famille ne soucis pas de mes études. On va à l’école deux fois par semaine. Étant obligé de faire des mains-d’œuvre pour avoir mes transports et d’autres nécessités, je consacre le reste de la semaine aux travaux. Au moment où je vous parle on n’a pas encore reçu nos bourses, du coup je ne sais plus que faire. Malgré les difficultés que j’ai pu surmonter de mon enfance à aujourd’hui, je n’ai vraiment plus envie de continuer les études… »
Après l’avoir écouté avec tant d’émotion, je le demande pourquoi il veut abandonner?
« Par ce que je ne sais plus que faire, je sais plus où aller. Je pense à deux options, soit abandonner les études et chercher un boulot ou bien continuer à souffrir sans savoir où aller. Sincèrement je suis perdu et je ne vois plus d’espoir dans cette vie misérable… » Nous témoigne Z.K, un fils de paysan victime de l’enfer de Bamako.
Difficile d’écouter ces témoignages sans avoir des larmes aux yeux. Des preuves palpables qui nous montre que, non seulement les élèves paysans n’ont pas une éducation prometteuse mais ils manquent de soutiens à tous les niveaux. Combien d’étudiants ont vécu ou vivent dans ces situations de précarité à Bamako ?
Solutions possible…
Selon T.T (témoin 1), l’état doit prendre ses responsabilités, en équipant les cantines scolaires, donnant les trousseaux et bourses avant la rentrée universitaire, et revoir son système d’éducation.
Selon Z.K (témoin 2), l’état doit donner les bourses dès le début des cours, les parents doivent jouer leur rôle parental.
A travers ces témoignages, nous venons d’apprendre que Bamako est un enfer pour les étudiants fils de paysan. Une fois à Bamako, ils sont livrés à eux-mêmes, beaucoup n’ont pas de proches qui résident à Bamako ; ils ne sont soutenus ni financièrement, ni moralement et ni matériellement. Ce qui résulte à de nombreux abandons scolaires.
Les autorités vont-ils continuer à fermer les yeux sur cette problématique qui dévalorise et défavorise les pauvres au Mali ?
Les pauvres ne demandent que l’application stricte de l’article 18 de la constitution de leur pays.
Yaya Koné